Comment " lire " Les paysages Pyrénéens ?
Les grands principes de la géologie sont simples et font appel au bon sens pour comprendre les paysages d'aujourd'hui et d'hier qui ont été façonnés il y a plusieurs milliers voire plusieurs millions d'années. Il faut savoir que:
1- Selon la tectonique des plaques, nos continents ne sont pas fixes mais dérivent à la surface du globe en flottant sur un manteau de magma, mécanisme qui permet d'expliquer la formation des chaînes de montagnes et des océans.
2- A la surface du globe, toutes les roches subissent un cycle durant lequel elles sont usées, les débris sont ensuite transportés et déposés ailleurs avant de se consolider pour donner de nouvelles roches dites sédimentaires (par exemples les sables donneront des grès, les boues donneront des argiles, les galets donneront des conglomérats, les particules organiques donneront des calcaires).
3- Les roches enfouies à grande profondeur dans la croûte terrestre seront soumises à des pressions et des chaleurs très élevées. Ceci conduira:
- soit à leur transformation en roches dites métamorphiques (par exemples les argiles se transformeront en schiste, les calcaires se transformeront en marbre, les granites se transformeront en gneiss),
- soit à leur fusion en roches dites éruptives (par exemple les laves ou les granites, qui sont des laves cristallisées).
4- Les couches sédimentaires se déposent toujours à plat et les fossiles contenus permettent de donner l'âge géologique des dépôts.
5- Le temps se mesure en millions d'années sur une échelle géologique subdivisée en ères (par exemple ère secondaire), période (par exemple ....), époque (par exemple...) et étage (par exemple....). Chaque subdivision porte le nom du lieu où on l'a identifiée et correspond à un intervalle de temps défini.
6- Sur une coupe de terrain, les couches situées en bas sont toujours plus anciennes que celles qui les recouvrent quand il n'y a pas eu de déformations.
Ainsi l'érosion de la montagne, le transport et le dépôt des débris puis enfin la transformation de ces sédiments font donc partie du cycle de la vie d'une roche qu'il est possible de replacer dans le temps géologique. Nous avons vu dans la partie érosion et paysages que les climats et l'agressivité des agents atmosphériques varient non seulement d'une région à une autre (influence atlantique ou méditerranéenne) mais ont aussi évolué au cours de l'histoire géologique (glaciations quaternaires). Par ailleurs, les roches soumises à l'altération et l'érosion ne réagissent pas de la même façon selon leur nature.
Le granite et les roches volcaniques sont des roches très dures et compactes, aussi les sommets formeront des pitons (pic du Midi d'Ossau) tandis que les massifs s'éroderont en masses arrondies ( massif de Cauterêt). Le calcaire est une roche dure mais soluble, ainsi les pics donneront des aiguilles (Aiguilles d'Ensabère) et les massifs formeront des karsts truffés de gouffres et de canyons (massif de la Pierre Saint Martin, canyons du Haut-Aragon). Le grès est une roche dure mais friable qui perdra sa cohésion naturelle et formera des pinacles( Mallos de Riglos). L'argile est une roche tendre qui formera un relief en creux ou donnera un paysage ondulé de collines. Comprendre la formation des reliefs c'est apprendre à lire leur histoire géologique dans le paysage qui nous entoure.
- Comment lire un paysage granitique?
Le granite est une roche très dure, formée à très grandes profondeur de l'écorce terrestre, fortement fissurée et composée de cristaux visibles à l'oeil nu. D'origine souvent très ancienne, les granites que nous voyons ici font partie des racines profondes de la grande chaîne hercynienne, aujourd'hui arasée, qui occupait tout le sud de l'Europe. Grâce au soulèvement des Pyrénées actuelles, ces racines ont été, portées en surface du globe terrestre, dénudées par l'érosion et apparaissent aujourd'hui comme l'axe rigide situé au coeur de nos montagnes. Ces granites, malgré leur dureté ont donc été soumis à une histoire géologique complexes et à de nombreuse déformations.
Formés à très grande profondeur (roches éruptives plutoniques) les granites résultent de la solidification lente et cristallisation d'une poche magmatique au sein de l'écorce terrestre. Ceci explique, d'une part, l'aspect compact et globulaire des massifs granitiques vus en carte et, d'autre part, la taille des cristaux de la roche, visibles à l'oeil nu, sachant que plus le refroidissement sera lent, plus les cristaux seront gros. Le comportement rigide du granite en fera une roche cassante lorsqu'elle sera soumise à des mouvements tectoniques tels ceux décrits dans roches et déformations, aussi le massif granitique sera-t-il parcouru de failles et de fractures, à très grande échelle (kilomètre) comme à très petite échelle (millimètre), voire à l'échelle du cristal.
A l'altitude moyenne, sous le climat tempéré que nous connaissons actuellement, l'altération a lieu pour l'essentiel en profondeur, au contact de l'eau qui circule par les fissures et altère chimiquement les minéraux (silicates). La roche prend alors une couleur marron à brun en se désagrègeant et, devenue friable, forme un sable grossier (arène granitique). Lorsqu'en surface les eaux de ruissellement auront déblayé ces débris, le granite nous apparaîtra sous forme de masses emoussées, voire de boules plus ou moins superposées tandis que les argiles, résidus de l'altération, s'accumuleront dans les dépressions. De beaux exemples seront vus au Pont d'Espagne et dans la large vallée glaciaire du Marcadau. Dans les cas extrêmes, sous le climat froid et humide de l'ère Quaternaire, cette érosion a pu être intense, et la formation d'une multitude de boules donne un paysage à l'allure très charactéristique appelé chaos granitique. La roche ainsi mise à nu avec un sol très pauvre ne permet pas le développement d'une végétation dense qui est plutôt celle d'une lande sur sol acide. De beaux exemples seront vus à Targassonne, dans les Pyrénées Orientales. Dans les zones de haute montagne, plus exposées à l'altération mécanique, les sommets granitiques se présenteront sous forme de pitons, tel sera le cas du Balaitous ou du Néouvielle.
Sous le climat chaud et plus ou moins humide de l'ère Tertiaire, comme sous nos latitudes tropicales actuelles, le processus d'altération a été différent et sous ces conditions ces résidus d'érosion forment plutôt des cuirasses latéritiques.
- Comment lire un paysage calcaire?
Le calcaire est une roche formée en milieu aquatique, se déposant au fond de vastes lacs ou de mers anciennes sur de grandes étendues et sur des épaisseurs parfois impressionnantes comme le montrent les grandes barres de calcaires gris-clair qui soulignent dans le paysage les premiers chaînons pyrénéens. Composée presque uniquement de calcaire pur (carbonate de calcium), cette roche de couleur claire est soluble et perméable et susceptible de se plisser lorsqu'elle est soumise à des déformations intenses, telles celles présentes lors du soulèvement des montagnes actuelles. Si la composition chimique est enrichie en magnésium, on utilisera plutôt le terme de dolomie.
De part sa composition, le calcaire est une roche soluble par l'eau de pluie et surtout par les eaux de ruissellement acidifiées par l'activité biologique des sols (micro-organismes, racines) et riche en gaz carbonique dissout. Le carbonate de calcium une fois dissout est emporté par les eaux de ruissellement et il ne restera que quelques impuretés argileuses qui tapisseront les cavités.
A altitude moyenne, sous le climat tempéré que nous connaissons actuellement, la surface d'un massif calcaire, tel celui de La Pierre-Saint-Martin (ci-contre) au Pays Basque, sera ainsi parcouru par un réseau de crevasses (lapiaz), de dépressions fermées plus ou moins vastes (dolines), de vallées incisées très profondément (canyon) comme les gorges de Kakuetta et d'Holçarté, de grottes aux stalagmites et stalagtites spectaculaires comme dans les grottes de Bétharram et d'Isturits ou de goufres (aven) communiquant avec un vaste réseau hydrographique sous-terrain.
Le calcaire, roche perméable, permet ainsi à l'eau de s'infiltrer, de percoler et de circuler, émergeant soudainement parfois à la faveur d'une résurgence comme la source de la Bidouze, créant un paysage souvent spectaculaire qui est le paradis des spéléologues. Ce paysage, de surcroît arasé lors des dernières glaciations, est quelque peu lunaire avec très peu de sol et donc peu de végétion, qui sera celle d'un causse.
Sous les périodes de climat froid et humide de l'ère Quaternaire, lorsque les eaux de fonte des glaciers étaient très abondantes, cette érosion sous-terraine a été extrême. Le goufre de La Pierre-Saint-Martin n'est-il pas le plus profond d'Europe? Les canyons du Pays-Basque font la joie des rafteurs et le canyon d'Ordesa en Espagne n'est-il appelé Le Colorado pyrénéen? Dans les zones de haute montagne, plus exposées à l'altération mécanique, les sommets calcaires se présenteront sous forme d'aiguilles escarpées comme dans les aiguilles d'Ensabère ou de paysage ruiniforme.
Sous climat tropical chaud et plus ou moins humide de l'ère Tertiaire, comme sous nos latitudes tropicales actuelles, le processus d'altération était plus intense avec plutôt formation de mamelons.
- Comment lire un paysage gréseux?
Le grès est une roche sédimentaire détritique déposée à la surface du globe en milieu aérien, fluviatile (rivières) ou marin peu profond (bord de mer) et généralement riche en quartz.
Elle sera composée de fragments hétérogènes, plus ou moins petits et plus ou moins bien cimentés selon le milieu de dépôt. Selon la nature des composants, les grès prendront diverses couleurs, variant du jaune au rouge tel les célèbres grès couleur lie-de-vin du col du Somport. Si les fragments ont la taille de graviers ou de galets, on utilisera plutôt le terme de poudingue.
De par sa composition, lorsque ce ciment sera très dur, il assurera une forte cohésion des grains, la roches apparaîtra alors compacte, massive dans le paysage et facilement affectées par des déformations cassantes, donnant ainsi l'allure de gigantesques gradins. Au contraire, lorsque ce ciment sera plus tendre, l'erosion disloquera les grains, rendant la roche friable, donnant alors des reliefs très émoussés en forme de croupes plus ou moins arrondies.
A altitude moyenne, sous le climat tempéré que nous connaissons actuellement, l'érosion en attaquant ce ciment rendra la roche friable et émoussera le relief, créant des formes étranges tels Los Mallos de Riglos en Espagne. Cette érosion sera mécaniquement accélérée en haute montagne. Selon la quantité d'argile contenue dans les grès, le sol sera plus ou moins sableux et le développement de la végétation plus ou moins dense, sauf dans les cuvettes fertiles où s'accumuleront préférentiellement les débris argileux.
Sous le climat tropical chaud du Permien l'alternance de périodes sèches et humides a créé un processus d'altération différent et sous ces conditions le fer oxydé s'est fixé en coloriant en rouge lie-de-vin les grès provenant du démantèlement de la vieille chaîne hercynienne.
- Comment lire un paysage argileux?
L'argile est une roche sédimentaire détritique déposée à la surface du globe en milieu aquatique (lacs, rivières ou milieu marin calme) ou plus rarement en milieu aérien. L'argile pourra se déposer sur de grandes étendues ou sur de grandes épaisseurs Elle est constituée de très fines particules se groupant en feuillets microscopiques (aluminosilicates) ayant la particularité de pouvoir se gorger d'eau.
L'argile est souple et se déformera facilement en plis sans casser. Si du calcaire entre dans la composition, on utilisera plutôt le terme de marne. Le terme de flysch également rencontré dans la littérature fait plutôt allusion à un faciès hétérogène marno-sableux, déposé sur des épaisseurs considérables en remplissage de profondes dépressions marines au pied des montagnes..
L'argile, très sensible à l'érosion car peu indurée, formera un relief mou, voire des dépressions marécageuses dans le paysage. Parfois, en terrains plus pentés, de forts ravinements ou des glissements marqueront ce paysage instable au ruissellement. Le couvert végétal boisé très dense fera souvent place aux prairies grasses et aux cultures. L'avant-pays pyrénéen, au pied des premiers chaînons calcaires, présentera ce paysage caractéristique de collines ondulées et verdoyantes.
- Comment lire un paysage volcanique?
Les roches volcaniques s'épanchent à la surface du globe sous la forme d'un liquide plus ou moins visqueux et de manière plus ou moins violente. Formées à très grande profondeur (roches éruptives effusives) dans des poches magmatiques elles atteindront la surface terrestre soit en remontant le long des cheminées des édifices volcaniques soit en remontant le long de failles profondément enracinées. Si la composition de ces laves est plutôt siliceuse on parlera de rhyolites, si elle est plutôt alcaline on parlera de basaltes.
Lorsque les laves atteignent la surface, en s'écoulant, elles se refroidissent brutalement au contact de l'eau ou au contact de l'air. De ce fait elles n'auront pas le temps de cristalliser, seront très massives, dures et compactes. Leur érosion sera donc lente et elles formeront des ensembles compacts. Présent dans les Pyrénées, le volcanisme a marqué tous les âges géologiques mais l'ensemble le plus spectaculaire est, entre autres, celui du piton volcanique du Pic du Midi d'Ossau.
Bibliographie:
(1) Encyclopédie Théma - Les agents de l'érosion, reliefs et types de roches. Ed Larousse, 1992
(2) Roches et Paysages des Pyrénées - Ed Rando, 1997
(3) Guides géologiques régionaux - Pyrénées occidentales Béarn et Pays Basque- ED. Masson,1976
(4) Guides géologiques régionaux - Pyrénées centrales franco-espagnoles - ED. Masson,1992
(5) Pyrénées 500 millions d'années - itinéraires géologiques dans le Parc National. Ed. BRGM, 1983